C’est un coup de théâtre dans le monde des affaires : Luca de Meo, actuel directeur général du groupe Renault, rejoindra Kering à compter du 15 juillet pour en prendre la direction opérationnelle. Cette nomination marque un tournant stratégique pour le groupe de luxe, en quête d’un nouveau souffle après plusieurs trimestres difficiles.

Une figure du redressement industriel

À 58 ans, Luca de Meo s’est forgé une réputation solide dans l’industrie automobile. Diplômé de l’université Bocconi de Milan, il a fait ses armes chez Fiat, Volkswagen, SEAT puis Renault, où il a piloté le plan « Renaulution » et permis un spectaculaire redressement du constructeur français, tant sur le plan financier qu’industriel. Il quitte Renault alors que le groupe vient d’afficher des résultats historiques.

Chez Kering, il succèdera à François-Henri Pinault, qui conserve la présidence mais se retire de la gestion quotidienne. La séparation des fonctions de président et de directeur général marque une volonté claire : professionnaliser la gouvernance et muscler l'exécution stratégique.

Un groupe en quête de relance

Deuxième acteur mondial du luxe derrière LVMH, Kering traverse une période de turbulences. L’action a perdu plus de 60 % de sa valeur en trois ans, minée par les contre-performances de Gucci, sa marque phare, et une succession de remaniements créatifs mal accueillis. Les résultats du premier trimestre 2025 ont confirmé les inquiétudes, avec une chute de 14 % du chiffre d’affaires, et jusqu’à –25 % pour Gucci en Chine et aux États-Unis.

Face à cette érosion, l’arrivée de Luca de Meo est perçue comme une tentative de rupture. Le marché ne s’y est pas trompé : l’action Kering a bondi de plus de 8 % à l’annonce de sa nomination.

Objectifs clairs et pression immédiate

Le nouveau directeur général aura pour mission prioritaire de redresser Gucci, de stabiliser son positionnement créatif et de relancer la croissance, notamment en Chine. Plus largement, il devra rationaliser l’organisation du groupe, renforcer la rentabilité et mieux maîtriser une dette qui dépasse les 10 milliards d’euros.

Sa méthode – rigueur, marketing offensif, gestion par les données – tranche avec l’univers feutré du luxe. Mais c’est justement ce regard extérieur qui séduit : « De Meo, c’est le profil du manager de crise, capable de secouer une organisation et de produire des résultats mesurables », souligne un analyste du secteur.

Kering compte aussi sur lui pour développer les nouvelles verticales du groupe : la beauté, l’innovation digitale et la responsabilité environnementale. Autant de terrains sur lesquels Luca de Meo a déjà montré des ambitions concrètes chez Renault.

Un pari à double tranchant

S’il bénéficie d’un crédit certain auprès des investisseurs, Luca de Meo arrive cependant dans un univers qu’il ne connaît pas : il n’a jamais dirigé de maison de mode et devra composer avec une culture d’entreprise très différente du monde industriel.

La greffe prendra-t-elle ? « Il saura s’entourer », confie un proche du dossier. Les observateurs restent prudents, mais saluent la volonté de transformation affichée par la famille Pinault. « C’est un signal fort : Kering veut sortir de la gestion familiale et entrer dans une nouvelle ère managériale. »

Une nouvelle ère pour Kering

La mission est claire : restaurer la confiance, accélérer le repositionnement stratégique du groupe et retrouver une trajectoire de croissance durable. Luca de Meo devra faire preuve de diplomatie autant que d'autorité pour réussir cette transition.

S’il parvient à répliquer ses succès industriels dans le secteur du luxe, il pourrait bien devenir l’homme du renouveau pour Kering. La première étape se jouera dès l’été : rassurer les marchés, fixer une feuille de route claire, et montrer que l’audace du groupe est aussi sa meilleure carte.